"Monstres de poussière": un documentaire liégeois sur ceux qu'on ne voit pas
Une réalisatrice liégeoise a passé plus d'un an a suivre le quotidien de deux anciens sdf, qui livrent avec émotion et justesse leur passé fragmenté. "Monstres de poussière", un documentaire qui prend le temps de voir les invisibles.
Des hommes et femmes sans domicile fixe, on en croise tous les jours en ville, sans vraiment les voir ou les comprendre. Le film documentaire "Monstres de Poussière" raconte l’histoire de Johnny et Goyko, deux Liégeois qui ont connu la rue. Réalisé par Nina Marissiaux, elle dresse leur portrait de façon juste et poétique. Mais elle ne reste pas seulement derrière la caméra. On voit le documentaire se construire, évoluer, comme un making of directement inclus dans le film, ou tout le monde à son mot à dire :
« J'ai passé beaucoup de temps après le Covid dans des centre et dans la rue pour organiser un ciné club, des ateliers de cinéma etc. Et j'ai réalisé qu'une fois qu'on pose un regard sur quelqu'un, on a un certain pouvoir. En tout cas, on a un rôle assez particulier et j'avais envie dans un film de questionner ça justement. Donc de prendre un peu le contrepied et de dévoiler le dispositif pour poser la question : "mais à quoi ça sert ? Qu'est ce que ça implique et que deviennent les liens ?" Parce que les liens que crée le cinéma documentaire sont très forts. »
Le lien d’amitié qui se crée entre la réalisatrice et les deux héros du documentaire permet de rentrer dans l’intimité, dans les souvenirs sombres des deux hommes mais aussi dans leur résilience et leur force de caractère. On les voit évoluer aussi au fil du tournage, qui a pris un an environ :
« C'est aussi ça le lien avec la volonté de dévoiler le dispositif et la volonté de le questionner. Je pense qu'il y a plein de manières de faire des films, mais dans le documentaire, j'accorde une très grande importance à la confiance et au respect. On raconte quand même la vie de deux personnes. On va chercher dans des souvenirs, dans des choses qui ne sont pas forcément faciles à aborder. Et en fait, on peut pas faire ça vite. Pour moi, c'est impossible et si on le fait vite, on le fait probablement mal. Donc c'est ma manière de travailler sur le temps long. »
« Je pense que c'est un film assez doux et j'avais aussi envie qu'il soit lumineux à leur image. C'est pas des gens négatifs, c'est pas des gens qui se renferment, c'est des gens qui ont réussi à s'en sortir. C'est un peu simple de dire ça, mais c'est des personnalités très lumineuses je trouve. Et donc non, je ne pense pas que le film choque les gens ou alors vraiment dans le bon sens du terme. »
Touchant, sans glamourisation ni curiosité malsaine, on prend le temps de voir en face des visages qu’on évite, des histoires qu’on n’écoute pas. Avec une esthétique et une bande son plus proche du cinéma d’auteur que du documentaire, nous amenant à voir Liège et la rue autrement. Monstres de Poussière, à voir à partir du 10 juin au cinéma Sauvenière.