Sébastien Doutreloup, climatologue à l’Université de Liège, revient sur les différences entre météo et climat, l’accélération du réchauffement du climat, les conséquences déjà visibles en Belgique et l’urgence d’une réponse de la société.
La chute brutale des températures de novembre en Belgique interroge : entre gel, neige et douceur anormale quelques jours plus tôt, beaucoup y voient un signe de dérèglement. Pour Sébastien Doutreloup, climatologue à l’Université de Liège, ces variations relèvent avant tout de la météo, un phénomène de court terme, et non du climat. Mais Sébastien Doutreloup rappelle que derrière ces oscillations quotidiennes le réchauffement climatique s’intensifie à un rythme inédit.
Une vocation née à Bierset
Le climatologue raconte avoir découvert sa passion en primaire, lors d’une visite de la station météo de Bierset. Après des études de sciences mathématiques à l’Athénée de Chênée puis un master en climatologie à l’Université de Liège, il entame une carrière académique qu’il poursuit toujours, entre recherche, enseignement et sensibilisation.
Météo ou climat ? Une confusion fréquente
La météo décrit « le temps qu’il fait » : température, précipitations, nuages, vent. Le climat, lui, correspond aux statistiques météorologiques moyennées sur au moins 30 ans. « Une vague de froid ou une période douce ne dit rien du climat », insiste le chercheur. Pour illustrer, il rappelle que des responsables politiques, notamment aux États-Unis, confondent régulièrement ces deux notions.
Des études en géographie qui peinent à attirer
Sébastien Doutreloup regrette la baisse d’inscriptions dans les filières liées aux sciences du climat. « On diplôme dix à vingt étudiants par an pour plus de deux cents offres d’emploi », explique-t-il, montrant que les débouchés sont vastes : environnement, gestion des risques, urbanisme, aménagement du territoire ou encore géomatique.
Le réchauffement s’accélère bien plus vite que prévu
Selon les observations compilées depuis l’Accord de Paris de 2015, le seuil de +1,5 °C pourrait être franchi dès 2029, treize ans plus tôt que prévu. Le seuil de +2 °C, lui, pourrait être atteint autour de 2050. « Les scénarios les plus optimistes du GIEC ne sont déjà plus réalisables », confirme le climatologue.
Inondations, sécheresses, canicules : un climat qui change aussi en Belgique
Les inondations de 2021 dans la vallée de la Vesdre ont illustré la vulnérabilité du territoire. Une étude de l’Université de Liège établit que, sans réchauffement climatique, l’épisode aurait été bien moins intense : entre 20 et 40 mm de pluie en moins selon les estimations. La période de retour d’un tel événement est passée de plus de 100 ans à environ 20 ans.
À l’inverse, la Belgique connaît aussi un retour marqué des sécheresses, comme en 2017, 2019 ou 2022. Ces épisodes, autrefois rares, deviendront beaucoup plus fréquents. Le climatologue rappelle que chaleur extrême et manque d’eau sont « les deux faces d’un même phénomène ».
Vers des villes surchauffées
Les épisodes de chaleur extrême, déjà observés dans le sud de la France ou en Grèce, pourraient rendre certaines villes temporairement inhabitables sans climatisation. « À Liège, atteindre 50 °C reste improbable à court terme, mais la tendance est clairement à la hausse ».
La Belgique en recul dans la lutte climatique
Un rapport publié en marge de la COP pointe la Belgique à la 37e place sur 63 en matière de performance climatique, notamment à cause d’un usage insuffisant des énergies renouvelables. Pour le climatologue, « on n’a plus le temps » : toutes les solutions existent déjà dans les rapports du GIEC depuis plus de vingt ans.
Adapter le territoire et changer les pratiques
Parmi les pistes prioritaires : éviter toute construction en zone inondable, restaurer les zones d’immersion temporaires, revoir la gestion des bassins versants et repenser l’aménagement urbain. Adaptation et atténuation doivent avancer ensemble.
Le rôle du citoyen reste essentiel
Malgré un certain découragement, les gestes individuels représentent encore « 25 à 30 % de l’effort global ». Mobilité, consommation, énergie domestique : chaque changement compte. Le chercheur reste optimiste : « le changement peut améliorer notre qualité de vie ». Sobriété, cohérence politique et efforts collectifs constituent, selon lui, les clés d’une transition réussie.