À l’occasion de la Journée nationale des MICI et du 40e anniversaire de l’ASBL Crohn-RCUH, rencontre avec Linda et le professeur Édouard Louis, pour comprendre ce que signifie vivre avec cette maladie au jour le jour.
Linda a 25 ans quand le diagnostic tombe, il y a deux ans : elle a la maladie de Crohn. Une douche froide pour la jeune femme, qui n’avait pas de soucis de santé jusque-là.
« J'ai eu une crise, donc j'ai commencé à aller aux toilettes anormalement, plusieurs fois par jour. Quand c'est deux ou trois fois par jour, on ne s'inquiète pas, mais quand c'est dix, quinze, vingt fois par jour, ça commence à devenir inquiétant. Et puis le sang est arrivé dans les selles et donc là on se dit j'ai un souci. Qu'est ce que j'ai ? Donc je vais chez le médecin traitant pour voir ce qui se passe. Et donc le médecin traitant me dit d'abord que c'est une gastro et pas du tout en fait, après des analyses, des prises de sang, etc, on se rend compte que c'est plus que ça. »
Une maladie invisible, peu ou mal connue, et qui impacte directement son quotidien : son activité sportive et sa vie sociale basculent. Comme six patients sur dix, elle évite certains lieux publics par peur de devoir gérer une crise.
« Quand on se sent pas bien et que dès qu'on avale quelque chose, ça active tout le système digestif et qu'on a besoin d'y aller... Et qu'on ne veut pas parce qu'on est au restaurant, parce que c'est gênant, parce qu'on est avec notre compagnon qu'on connaît pas depuis longtemps, ou une amie ou peu importe… Enfin voilà, c'est compliqué à gérer pour certaines personnes, c'est gênant alors que ça ne devrait pas. C'est un besoin naturel et on devrait tous pouvoir y aller sans se poser de questions. »
Une gêne quotidienne que partagent des milliers de patients atteints de maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI), comme la maladie de Crohn ou la rectocolite ulcéro-hémorragique. En Belgique, près de 86 000 personnes sont concernées. Ces pathologies restent souvent invisibles aux yeux du grand public, alors qu’elles bouleversent la vie professionnelle, sociale et intime de celles et ceux qui en souffrent. Aujourd’hui, Linda a trouvé un traitement adapté qui lui permet de souffler. Mais ce qui reste difficile, c’est le regard des autres. Alors, pour avancer, elle a choisi d’en rire.
« C'est vrai que quand on dit qu’on a la maladie de Crohn, la réaction c'est toujours “Aïe !”, mais certains ne connaissent pas forcément, ils savent que c'est le système digestif, mais pas exactement quoi. Mais moi j'en ris. J'aime bien en rire, rigoler avec cette maladie, dire que je vais aux toilettes et parler de ça d'une manière un peu comique. Et donc ça fait toujours rire les gens et de cette manière-là, j'arrive aussi à accepter le regard, je fais semblant que je m'en fous un peu. »
Avec le temps, Linda a trouvé son équilibre. Si la maladie fait partie de sa vie, elle ne la résume pas. En rire, en parler, c’est sa façon à elle de reprendre le dessus — et d’aider d’autres à se sentir moins seuls.
Un Pass Toilette de plus en plus étendu
À l'occasion de cette Journée nationale des MICI, l’ASBL Crohn-RCUH lance sa campagne « 40 entreprises » à l'occasion de leurs 40 ans. Objectif : permettre aux patients d’accéder plus facilement aux toilettes grâce à un passe-toilette reconnu par certains commerces et restaurants. Une initiative importante pour les porteurs de ces maladies qui peuvent parfois hésiter à sortir de chez eux. Près de 86.000 Belges sont atteints par ces maladies, c'est trois fois plus qu'il y a 30 ans. Le docteur Édouard Louis, chef du service de gastro-entérologie du CHU de Liège nous en apprend plus sur ces MICI et sur les traitements qui existent.
« Aujourd'hui, les traitements ont beaucoup évolué. On a de plus en plus de traitements efficaces pour contrôler l'inflammation. On ne guérit toujours pas ces maladies parce que ce sont des maladies complexes, à la fois génétiques et environnementales. Mais on arrive réellement à supprimer l'inflammation avec comme but le moins de symptômes possible, que les gens vivent le plus normalement possible et que l'intestin se dégrade le moins possible. »
Mais même lorsque les symptômes sont maîtrisés, la maladie de Crohn reste difficile à vivre au quotidien.
« Vous devez imaginer une gastro-entérite chronique. Donc ce sont des douleurs abdominales quotidiennes sur le long terme, des diarrhées avec des besoins pressants, et c'est ça qui handicape fortement les patients. Et au-delà de ça, l'imprévisibilité des symptômes. C'est-à-dire que parfois les patients vont mieux et puis ils ne savent pas, mais ils vont réserver des vacances par exemple, ou un élément professionnel important. Et à ce moment-là, justement, ils ne sont pas bien. Et donc voilà, ça c'est des choses qui font partie du vécu de cette maladie. »